Une potion magique, discrète mais efficace – Les aventures de Polo #2
Polo le basidio nous parle des bienfaits de la famille des basidiomycètes et des méthodes pour l’entretien des terres
Dans notre grande famille des basidiomycètes, il parait que vous les hommes, vous nous avez classés dans les champignons supérieurs. Avec vos idées de tout hiérarchiser, vous me faites un peu rire.
C’est vrai qu’on fait des choses que vous ne savez pas faire et pour lesquelles vous avez besoin de nous, les « basidio ».
Ainsi, lorsque je n’étais qu’un songe, un immense songe renfermé dans ma petite boule de spore, j’attendais paisiblement des conditions favorables. Le vent avait fini par me projeter au sol et je mijotais dans la terre en attendant qu’elle se réchauffe ou se refroidisse.
Soudainement, du bois se mit à me frôler. Ce fut le début d’un grand changement : mon avènement à la vie terrestre ! Je renferme dans mon code génétique, cet enchevêtrement de molécules liées les unes aux autres dans mon filament d’ADN, Acide Désoxy Ribonucléique pour les connaisseurs et qu’on retrouve dans mes chromosomes, une série de codons, c’est-à-dire d’éléments constitutifs, capables de produire une substance très originale.
Il s’agit d’une enzyme dont moi seul connaît le secret. Sa particularité, c’est de savoir briser la lignine du bois, ce composant très spécifique qui donne la dureté au bois. Ainsi, au contact du bois, mon laboratoire de chimie interne, tout renfermé dans ma spore, se mit à produire cette potion magique.
Avec une certaine quantité produite, je l’expulsais juste au dehors tout près de moi. La potion attaquait alors la lignine constitutive du petit fragment de bois que la providence m’avait servi. Une sorte de guerre chimique se produisit : je pilotais les manœuvres. Je ne suis pas guerrier dans l’âme mais il faut assumer ce que l’on est.
Du charivari que ma potion provoquait sur la lignine, je retirais bénéfice en réintégrant de l’eau et d’autres éléments essentiels de notre univers : carbone, oxygène, azote, etc. Et soudain, de ma spore en boule turgescente, surgit, comment dire, un nez s’allongeant comme vous l’attribuer à un certain Pinocchio dans vos contes pour illustrer le mensonge. Là, « mon nez » bien long et bien réel devenait tel un filament. Je constitue des filaments en réseau, c’est ma façon de me déployer dans l’espace entre sol et air.
Puisque je vous ai fais toutes ces confidences, il est temps que je vous dévoile le nom que les hommes ont donné à ma potion magique : la lignoperoxydase. Le savoir-faire de cette enzyme est ainsi réuni dans son nom : elle oxyde ou transforme la lignine du bois en composés plus simples. Bravo les humains pour cette dénomination !
On en reparlera encore mais pour l’heure, je retourne dans mes filaments.
Polo le basidio